Scop. Résistent-elles mieux à la crise que les autres ?
Fortes de réserves financières souvent importantes, les PME coopératives connaissent un regain d’intérêt en temps de crise. Un statut vraiment protecteur?
Trente nouvelles coopératives ont rejoint en 2013 l’Urscop Midi-Pyrénées (Union régionale des sociétés coopératives de production), représentant 176 emplois : dix-huit en Haute-Garonne, sept dans le Tarn et cinq en Ariège, dans le Gers et le Lot. Un regain d’intérêt dans une région plutôt dynamique en la matière, totalisant 160 Scop sur son territoire, avec un accent sur l’Ariège qui abrite une quinzaine de Scop majoritairement dans le BTP. « Depuis quelques années, les Scop sont davantage considérées comme des entreprises réelles, comme une vraie solution économique », relève Rémi Roux, gérant de la Scop gersoise Ethiquable et président de l’Urscop Midi-Pyrénées. Résistent-elles pour autant mieux à la crise que les entreprises classiques ? D’après l’Insee, le taux de pérennité à trois ans des Scop est égal à 82,5 %, contre 66 % pour l’ensemble des entreprises françaises, et à 66 % contre 50 % sur une durée de cinq ans. Pendant les premières années de la crise, le taux de liquidations judiciaires des Scop était sous la moyenne nationale. En Midi-Pyrénées, l’Urscop estime à cinq ou six le nombre de Scop qui sont tombées pendant cette période.
Pas d’actionnaires à enrichir
Mais elles ont des capacités de résistante plus fortes, pour plusieurs raisons, d’après Rémi Roux. « Les Scop ont davantage de réserves financières, utiles en cas de coup dur. Dans le privé lucratif, la première mission du patron est de sortir 12 à 15 % de rentabilité pour les actionnaires. Il fait vivre la R&D de son entreprise avec les miettes… Dans une Scop, il n’y a pas d’actionnaires à enrichir. Seize pour cent au minimum du bénéfice doit partir en réserve. Un taux qui est plutôt de 30 à 50 % dans les Scop en France. Chez Ethiquable, c’est plus de 50 %. » La deuxième raison tient, selon lui, à l’esprit d’entreprise des salariés, qui peuvent décider de réduire leur salaire pour protéger leurs emplois. « Ils ont davantage une vision à long terme sur leur entreprise qui leur appartient que dans le privé lucratif », argumente le président de l’Urscop Midi-Pyrénées, qui cite comme troisième raison la mutualisation des Scop en cas de crise, comme cela s’est produit en Ariège au sein des Scop du BTP qui se confiaient des chantiers lors de baisses d’activité.
Frein au financement
La Scop, statut protecteur ? Pas si sûr. Pour Patrick Pradel, secrétaire général du groupe Scopelec (203 M€ de CA en 2013 et 2.360 salariés), face à la crise, la Scop est dans la même posture qu’une entreprise classique. « Certes, les Scop sont plus costaudes avec leurs réserves qui sont renforcées, mais elles doivent faire face au problème du financement de leur développement. » Impossible de compter sur les salariés actionnaires pour assumer ce rôle. Les investisseurs extérieurs, eux, ne s’intéressent pas à ce type d’entreprise qui ne leur rapportera pas de plus-value – à l’exception de certains investisseurs du monde social et solidaire souscrivant à des titres participatifs. Reste la banque, qui ne prête qu’à proportion du montant des fonds propres. « Ce statut est clairement un frein au financement », nuance Patrick Pradel, qui a été contraint de créer une holding financière entre le groupe Scopelec (une Scop) et les entreprises classiques composant ce groupe, de manière à intéresser les investisseurs.
Un statut qui rassure les clients
Chez Ceicom Solutions, on connaît bien les deux modèles. Cette société éditrice de logiciels de 35 personnes, 3,2 M€ de chiffre d’affaires, est devenue une Scop en 2011. La moitié des salariés est associée à la Scop. Mais pour le dirigeant, Eric Garcia, « c’est une hérésie de dire que la Scop est la solution de reprise d’une société en difficulté. Quand il y a des difficultés, l’entreprise a justement besoin d’actionnaires pour apporter de l’argent. » Eric Garcia reconnait néanmoins des avantages à ce statut en cas de crise : « La Scop a la capacité de fédérer une équipe ; c’est ce qui s’est passé chez nous. Dans une entreprise classique, les meilleurs salariés ont tendance à chercher un emploi ailleurs si l’entreprise va mal. » Ce statut est également favorable pour rassurer les clients et les prospects, qui cherchent des partenariats fiables et sur le long terme.
Agnès Baritou – JDE | Édition Haute-Garonne 31 | 4 avril 2014